Le burn de l'agilité

Bonsoir à toutes et tous !

Le ressentant de plus en plus, et le voyant autour de moi, je vois une forme de « burn » de l’agilité. Cela fait des années que ce mouvement existe, sous plusieurs formes comme les cadres de travails Scrum, Kanban et XP, le SAFe et le LeSS pour d’autres formes, l’agilité business, le beyond budgeting, le lean manufacturing et le lean software et le lean start up et le… Bref, pleins de « belles » choses !

Et pourtant, je vois de plus en plus de personnes autour de moi, souvent plus âgées et ayant plus d’expériences que moi, quitter fermement ce monde. Et ça me fait me questionner de plus en plus aujourd’hui.

Des phrases comme « je ne veux plus utiliser le mot agile », « je préfère devenir thérapeute maintenant », « je veux sortir de l’IT », par des scrum masters & coach agiles que je connais, j’entends ça de plus en plus. Ce sont des phrases que j’ai entendu telles quelles ce dernier mois d’avril.

Et j’avoue que j’en fais partie, ça m’a vraiment frappé aujourd’hui, avant je ne me questionnais mais pas à ce point-là ! C’est venu d’une discussion avec un coach agile que j’ai connu.
Même en ayant accompagné de supers équipes et boites, je ressens cette forme d’épuisement. Un peu comme si je me battais de plus en plus contre des moulins, tel Don Quichotte. Finalement, ça fait 8 ans que je suis dans l’agilité, de la plus puissante (scale up avec CI/CD + coaching pro + facilitation produit, Open Space Technology…) à la moins intéressante (uniquement full delivery SAFe, de ma propre expérience et opinion hein :smiley: ).

Est-ce que ça vous parle ? Qu’est-ce que vous faites, vous, pour sortir un peu la tête de l’eau ? Qu’est-ce qui vous motive le plus dans ce mouvement ? J’aurais besoin d’inspiration et de partage ! :wink:

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De manière générale, je suis intimement persuadé que l’approche agile est incompatible avec le système capitaliste. Autant dans le fait que l’humain est copieusement broyé par le dit système que parce que l’idée de croissance est néfaste à un process qui se veux ‹ stable et perenne ›. J’irais plus loin dans l’analyse quand j’aurais un clavier devant moi…

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Bonsoir Benjamin,
Je suis intéressé par ton retour d’expérience.
Ces moulins à vent dont tu parles, peux-tu les désigner plus explicitement ?
S’agit-il des cadres supérieurs, intermédiaires ou encore veux-tu mettre en avant la mauvaise la tentative d’un suivie sans état d’esprit de l’agilité ?
Bien à toi.

Bonsoir Alexandre !

Les moulins à vent, c’est le système. C’est ni les cadres sup, ni le middle management, ni la mauvaise tentative de suivie… C’est juste le faux changement. Plus ça change, moins ça change.

C’est ce que j’observe : nous, agents du changement, nous « mettons en place ou accompagnons » des changements, du kaizen, mais l’optimisation reste locale. Peut-être que c’est moi qui fait mal, sûrement d’ailleurs ! … Mais tout ce que j’ai fait est un jour détruit par le système, et c’est une question de temps. Je n’ai jamais vécu un vrai « Kaikaku », un changement radical, ou un 180° / changement de type II, comme dit l’école de palo alto.

Enfin, je dis ça, mais en écrivant cela, il y a quand même des gens que j’ai fait changer d’esprit et de comportements durablement, et dont j’ai encore quelques nouvelles. Mais jamais un système global, juste des petites parties.

Peut-être que je ne vais pas aux bons endroits ? Peut-être que les systèmes humains complexes sont vouées à ne changer que quand c’est une question de vie ou de mort ? Peut-être aussi que je suis trop peu challengé autour de moi, et qu’il faudrait que je change d’endroit ? Bien trop de questions philosophiques et psychologiques pour un simple forum, mais ça fait du bien de l’écrire, au fond ! Merci pour ta question :wink:

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Cher Benjamin,
Derrière ce petit “coup de blues” tu poses une vrai question qui est « Comment faire pour que le changement perdure et devient la norme ? ».

D’aucun dirons que le tout est d’acquérir le fameux Mindset Agile, cet état d’esprit mainte fois rappelé ici et lors des vidéos Youtube, ce Saint-Graal auquel dès que tu as goûté tu acquiert la claire voyance ou tu vois la matrice. Mais cela ne concerne que nous, femme et homme qui veulent être acteurs du changement.

La situation que tu évoques est identique en de nombreux points avec celle des enseignant(e)s passionné(e)s qui peuvent garder un goût amer quand ils ou elles comparent toute l’énergie qui a été mise en place pour transmettre un savoir avec le résultat final, au bout du compte il y a deux chemins possibles, soit la résignation, soit celle que je définie comme La guérilla intellectuelle.

Qu’est-ce qui est en jeux ? C’est de faire bouger durablement le mammouth dans une direction donnée, et pas quelques pas sur place : trois pas en avant, et quand le berger (toi Benjamin) tourne le dos, il revient deux pas en arrière. Il n’y a rien de plus têtu comme animal.

Face à la résistance aux changements durables, il faut pouvoir à l’instar de celles et ceux qui nous ont su nous donner le goût du changement, décortiquer les tenants et aboutissants de l’immobilisme pour en trouver les failles, dans lesquelles il faut s’y engouffrer pour y mener des actions répétées à effet de levier.

Connais tu l’adage C’est devant le mur qu’on voit le maçon ?
Car ici c’est la confrérie des maçons :grin::v:

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@BenjaminF pour revenir sur mon point, je previens en préambule que je suis profondément anti-capitaliste de conviction, donc il y a quand même ce biais à prendre en compte.

Maintenant que ce point est annoncé…

L’agilité est ancrée dans l’humain et la communication, le mieux vivre ensemble. Se demander pas seulement le pourquoi mais aussi le pour qui, le par qui, et le comment.

Un système capitaliste n’a par essence que le pourquoi en ligne de vue, et ce pourquoi s’appelle invariablement le Profit. Du coup, quand bien même des solutions pourraient être intéressantes dans le perimetre de ce que permet l’agilité, un autre perimetre se rajoute forcément au dessus : la recherche du dit Profit.

Une équipe est mesurée à l’aune du bénéfice qu’elle génère, pas de de son « impact social positif » ou quoi que ce soit d’autre. Seulement la marge qu’elle dégage. Certes, on apprend, on grandit ensemble… Mais on le fait sous l’oeil de la bête qu’on engraisse.

Bien sûr, les coopératives et autres associations peuvent être des cadres plus épanouissants pour cette approches, mais elles même sont soumises aux même question de rentabilité économique imposées par le système capitaliste au final.

Le kaikaku dont on parle va pour moi plus loin que le cadre de l’organisation, et touche le politique et le système économique. Être plus efficace pour générer plus de revenus pour les actionnaires ne me fait clairement pas rêver, même si ça aide un peu la vie de tous (bien heureusement).

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Et sur la façon dont je survis à ça :

Avec beaucoup de cynisme et en essayant de ne pas me compromettre dans des missions sans impact social. Bizarrement, quand le but devient plus important que de basses considérations économique pour tous (patron inclus), tout semble tourner mieux. Peut être bien parce que derrière, c’est l’humain qui prime… :thinking:

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Chat J’ai pété dit :

Agility is a set of principles and practices that enable individuals and organizations to adapt to changing circumstances and deliver value quickly and efficiently. While agility can be applied in any context, including capitalist economies, its compatibility with capitalism depends on how it is implemented and the values that underpin it.

On the one hand, agility can be seen as compatible with capitalism because it prioritizes speed and innovation, which are essential to compete in a dynamic and rapidly evolving market. An agile approach can help organizations respond quickly to changes in customer demand, emerging technologies, and new competitors, enabling them to seize opportunities and gain a competitive advantage. In this sense, agility can be seen as a way to drive growth and profitability, which are central to capitalist economies.

On the other hand, agility can also be seen as at odds with capitalism’s emphasis on relentless growth and the exploitation of resources for profit. The agile approach emphasizes sustainable pace, which means that teams work at a pace that is sustainable over the long term, rather than burning out trying to meet unrealistic deadlines. This approach is in contrast to the capitalist imperative to maximize profits at any cost, which often results in overwork, stress, and a disregard for the well-being of workers and the environment.

In summary, while agility can be compatible with capitalism, the values and priorities that underpin it must be carefully considered to ensure that it is not used as a tool to further the unsustainable growth that is at odds with sustainable development.

Je sais que je ne vais pas me faire que des amis avec cette réponse mais j’y vais quand même :blush:

J’ai observé aussi ce « raz le bol » de l’agilité, ces équipes ou organisations qui se crispent dès qu’on prononce le mot « Scrum ». Moi aussi parfois j’en fais partie. Et de ce que j’ai vue, cette crispation a souvent été causé par… l’arrivée d’un coach agile.

Le problème avec la communauté Agile est qu’elle contient un certain nombre « d’évangéliste ». Des coachs, des SM, des PO, whatever, qui prônent le saint Scrum Guide comme la bible, qui récite ses versets à tour de bras et s’empressent d’envoyer une notif lors de la sortie d’un nouveau testament. Et, désolé de dire ça, mais ça soule.

De l’agilité prônant l’ouverture d’esprit et la remise en question, on arrive à des Ayatollahs incapables de prendre du recul et à penser par eux-mêmes. Ou bien qui théorise tout et ne proposent jamais rien de concret car « La solution doit émerger de l’équipe ».

Je sais que mes mots sont forts, mais c’est réellement l’impression que j’ai.

My 2 cents :blush:

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Cet état de fait étant un stigmate du système pour moi : Y’a de l’argent à se faire à plumer du pigeon, donc du coup…

Bonjour Thibaut,

Merci pour ce partage de témoignage.

Même si je crois profondément au concept que la solution doit émerger de l’équipe, il est vrai qu’un des rôles qu’on attend d’un coach agile, c’est sa capacité à faire susciter de la créativité chez les développeurs.

Peux-tu me dire si dans tes expériences désastreuses, les développeurs étaient livrés à eux-mêmes ou si il y avait la présence d’un techlead ?

Salut Samuel,

Je serais bien intéressé du comment tu as formulé ta requête sur le prompt pour obtenir cette réponse :thinking:

Bonjour Benjamin,

ça me rassure de lire cette question car j’ai commencé depuis un an mon poste en tant que SM, je suis dans une ESN, et je sens déjà ce petit coup de fatigue, et je me pose pas mal de question par rapport à l’agilité, au scrum, et leur faisabilité réellement. Je me demande même si ce poste existera encore dans quelques années !

Du coup je ne sais pas si ça répond à ta question, mais pour me motiver, dans mon cas, je m’accroche à 2 idées :

  • Peut-être je n’aiderai pas à changer le système entier, mais dès que j’arrive à aider une personne, je trouve que ça vaut le coup car je crois que le changement c’est une chaine contagieuse. Je me souviens et me souviendrai toujours des gens qui m’ont inspirés, et je serai fière si j’arriverai à inspirer quelqu’un.

  • j’essaye aujourd’hui de trouver un environnement/mentalité de boite compatible avec l’agilité et les valeurs que je partage. Je me dis que si je trouve un environnement bienveillant et agile, ça me permettra de me ressourcer, de me rappeler pourquoi je me suis lancé dedans depuis le début, de continuer à apprendre sur le sujet et alors garder la force afin d’aider des clients. Aujourd’hui je pense que la seule façon que j’y avance et que je persiste aussi, c’est en trouvant une communauté agile (par communauté je veux dire une ESN ou une boite)

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@AlexRoem « Is agility deeply compatible with capitalism, including the fact that growth may be contradictory to the idea of sustainable pace »

@PikAgile Je te dirais que ce n’est pas étonnant si le dernier pattern du scrum plop est celui là : Published Patterns - Happiness Metric

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Pour ma part j’ai arrêté d’être agile mais je tends à l’être car dans mon organisation cela n’est pas possible.

  • Parce que nos sprints sont en mode waterfall
  • Parce qu’il y a les SAFE, les Scrum et les autres
  • Parce ce que tout est piloté par des budgets, engagements, temps passés, …
  • Parce ce que tout le monde n’est pas agile mais que l’on a besoin de tout le monde

Ma satisfaction dans tout cela ?

  • C’est que dans mon Speedboat au niveau force on a : Bon esprit d’équipe, Envie collective que ça avance, Fluidité des échanges
  • Que l’on a rarement de point bloquant
  • Que l’on utilise au mieux Jira et Confluence (outil imposé)
  • Que malgré le mode waterfall l’on a gagné une certaine flexibilité dans le contenu de nos sprints
  • Que l’on cherche toujours à s’améliorer pour mieux concevoir et faire en gardant en tête « simple is better » et « Five whys »

Bref je ne suis plus un Don Quichotte, juste un directeur de projet (oui on est agile mais scrum master les RH ne connaissent pas, ils ont juste transformé Chef de Projet en PO ça fait mieux pour recruter) qui tends à être agile, un animateur bienveillant, un soutient et qui fait en sorte que son équipe évolue dans un bon climat de travail.

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J’ai jamais connu une équipe qui n’avait pas cette « force » à mettre en rétro. De là, j’aurais tendance à dire que c’est un non-facteur. Mais c’est mon côté cynique…

Dans mon contexte de grosse entreprise qui héberge nombre de personnage toxique c’est quelque chose de précieux pour moi et aussi le travail à distance qui ne facilite pas toujours la fluidité des échanges.

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Salut Alexandre,

Je suis comme toi convaincu que les meilleures solutions sont celles ayant émergé de l’équipe.

Cependant, pour qu’une équipe puisse imaginer des solutions, il faut parfois lui montrer ce qui est possible. Et surtout, lui montrer que ça marche. Sur une équipe débutante, qui manque de compétence technique, qui manque d’initiative, voir les 3 à la fois, il faut un mentor pour lui dire « Vous avez ça comme problème, on va mettre ça en place et vous allez voir que ça va s’améliorer ». Une fois cette dynamique acquise, le mentor peut se mettre en retrait et laisse l’équipe prendre son envole.

Mais si on laisse l’équipe se prendre des murs, se plaindre rétro après rétro des mêmes problèmes et simplement lui répéter que c’est à elle de trouver une solution, on l’enferme dans une spirale de l’échec.

J’avais observé ce problème-là dans une équipe qui manquait de leadership. Niveau technique, ça allait (à peu près), mais la dynamique de l’équipe était au mieux fataliste : « On ne peut rien y faire », au pire de proposer les pires solutions possibles (le genre de truc où tu te dit « Non, ils vont pas faire ça quand même ? »…). Cette équipe était encadrée par un SM plutôt bon (aussi bien en Agile qu’en tech), mais qui refusait de prendre part aux choix technique car il considérait que ce n’était pas son rôle.

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Alors… Une équipe qui est dans cette dynamique est une équipe qui n’apprend pas. Le rôle du Scrum Master n’est ni de donner des solutions, ni de montrer comment on fait. Le rôle du Scrum Master est d’apprendre à l’équipe à apprendre. Applique les méthodes, et tu te retrouves avec des techniciens. L’apprentissage ce n’est pas ça.

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Je te plaints sincèrement.