On a marché sur la Lune sans Scrum, sans PMP, sans Agile

En juillet 1969, l’humanité posait pour la première fois le pied sur un autre astre.
Apollo 11, c’était :

  • plus de 400 000 personnes impliquées,
  • des millions de lignes de calculs faits à la main,
  • des systèmes embarqués avec moins de puissance qu’une montre connectée d’aujourd’hui,
  • et… aucune trace de Scrum, de PMP ou de manifeste Agile.

Pas de backlog priorisé.
Pas de stand-up meeting.
Pas de rétrospective à la fin du sprint.

Et pourtant : le projet a réussi.

Alors, comment ont-ils fait ?

On pourrait croire à un miracle ou à une prouesse réservée à une autre époque.
Mais en réalité, Apollo 11 a été le fruit d’une organisation hors normes — non pas grâce à une méthode universelle, mais grâce à quelques principes fondamentaux :

  • Une vision claire, partagée par tous, sans équivoque : poser un homme sur la Lune et le ramener vivant.
  • Une exigence radicale de qualité, à chaque étape, sans compromis.
  • Une capacité à coopérer entre métiers, disciplines, agences et cultures différentes.
  • Et surtout… la volonté d’apprendre de chaque erreur.

Oui, il y a eu des échecs. Beaucoup.

Des fusées qui explosent. Des calculs erronés. Des modules qui s’écrasent. Des prototypes qui échouent.
Mais chaque échec a été documenté, analysé, partagé.
Chaque incident est devenu un levier d’ajustement.
Chaque essai, un tremplin vers la réussite suivante.

Ce n’est pas une méthode qui a permis cela.
C’est une culture du discernement, de la rigueur, et de la mémoire vivante.


Et aujourd’hui ?

Aujourd’hui, nous avons des frameworks. Des référentiels. Des certifications.
Ils peuvent être utiles — oui.
Mais ils ne doivent jamais faire écran à l’essentiel :

Une méthode n’a jamais fait décoller une fusée.
Ce sont des humains qui, ensemble, ont appris à penser, décider, agir et corriger.
Ce sont des équipes capables de rester alignées même en pleine incertitude.
Ce sont des systèmes entiers conçus pour rester lisibles, adaptables et coordonnés.


Ne confondons pas l’outil et la visée.

Les méthodes ne sont pas mauvaises en soi.
Mais aucune méthode ne remplacera la clarté, la responsabilité, et la capacité à apprendre ensemble.

Le jour où on a posé le pied sur la Lune, ce n’était pas une méthodologie qui avait gagné.
C’était une certaine idée de ce que peut accomplir une organisation humaine quand elle fait vraiment corps.

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On pouvait faire plein de choses avant d’avoir la théorie de la gravité de Newton. Maintenant qu’on l’a, un peu dommage de s’en passer quand c’est applicable, non ?

Une méthode n’a jamais fait décoller une fusée.

La méthode scientifique ? Les agilistes pourraient en apprendre beaucoup.

C’était une certaine idée de ce que peut accomplir une organisation humaine quand elle fait vraiment corps.

Et comment on fait pour faire corps ? Ce serait bien de le découvrir pour pouvoir le reproduire, non ?

Je pense que tu as bien saisi le fond du message. J’admets volontiers que l’article, volontairement un brin provocateur, puisse soulever quelques objections, c’était même un peu le but du jeu.

Tout d’abord, comparer Scrum ou SAFe, des méthodologies au succès très aléatoire, à la mécanique céleste de Newton est déjà, en soi, une forme d’hommage involontaire aux premières.

Cette dernière a permis de prédire le mouvement des planètes avec une précision inégalée à son époque, de prédire des éclipses sur des siècles, d’envoyer des satellites dans l’espace, de bâtir des ponts et est intégrée à la quasi-totalité des calculs d’ingénierie actuels. Je te rejoins volontiers pour dire que ce serait dommage de ne pas utiliser un outil aussi puissant.

Cependant, je ne pense pas qu’on puisse en dire autant de Scrum, SAFe, ITIL, DevOps, des méthodes plus classiques de gestion de projet de type PMP ou PRINCE2 ou d’autres avatars méthodologiques dont le nombre a explosé ces vingt dernières années, au point d’en devenir grotesque à mon goût. Ces cadres n’ont ni l’universalité du champ d’application, ni l’efficacité opérationnelle de la théorie de Newton. Pour nos méthodologies modernes, combien de réussites pour combien d’échecs ? Il s’agit bien entendu d’une question rhétorique…

Aussi, d’un point de vue plus épistémologique, la mécanique newtonienne repose sur des principes mathématiques formalisés, prévoit avec précision le comportement de corps physiques (sous certaines conditions) et surtout, elle résiste à l’expérimentation. Il s’agit d’une théorie scientifique au sens fort du terme : formalisée mathématiquement, testable, falsifiable (au sens de Popper), et reproductible.

Nos méthodologies modernes, en comparaison, ressemblent davantage à des systèmes de pratiques, ou recettes de cuisine si je voulais être plus sévère, orientés vers le « comment faire » dans un contexte particulier. Elles sont très loin d’avoir la portée universelle d’une théorie scientifique, et c’est un euphémisme. Beaucoup d’entre elles véhiculent d’ailleurs une dimension idéologique implicite, comme en témoigne une large part de la littérature managériale contemporaine (note à moi-même : il faudra vraiment que je rédige un compte-rendu de Reinventing Organizations…).

En résumé, entre Newton et Scrum, ou n’importe quelle autre méthodologie contemporaine, il y a un monde, un univers même. Non par jugement de valeur, mais parce qu’ils n’appartiennent tout simplement pas au même registre : l’un vise à décrire des lois fondamentales de l’univers et à prédire à partir de celles-ci ; l’autre à organiser le travail humain dans un contexte spécifique, changeant et en partie imprévisible.

Sur ce point, je te rejoins également : les Agilistes auraient effectivement beaucoup à apprendre de la rigueur et de l’humilité propres à la méthode scientifique.

Quant à la question du « faire corps », elle est aussi centrale que difficile. Il s’agit d’un sujet complexe, mouvant, encore largement débattu dans les sciences de gestion et le monde académique. Ce qui semble faire à peu près consensus, en revanche, c’est que l’on ne “fait corps” ni par décret, ni par méthode. Ce qu’on peut espérer, au mieux, c’est de créer les conditions qui rendent possible une convergence collective vers cet état qui, pour beaucoup de managers, reste un Graal organisationnel.

Enfin, sur le fond de l’article : je ne dis pas que les méthodes sont inutiles. Je dis simplement bien qu’on puisse tirer avantage de telle ou telle méthodologie, on doit garder à l’esprit que l’essentiel pour mener un projet vers sa réussite, c’est surtout notre capacité à travailler ensemble sur un objectif commun, de manière lucide, coordonnée et adaptée au réel.

Je comprends que tu assumes d’avoir écrit quelque chose de faux.

Je ne fais pas la comparaison. Ton article parlait de méthode de manière générale.

:100: % d’accord

Si c’est pour critiquer cette bouze de Laloux, je suis preneur.

OK, pour le décret. Pas convaincu qu’il n’existe pas ou ne puisse pas exister de méthode.

Je connais bien le livre Contre la méthode de Paul Feyerabend, mais ce n’est pas son propos.

:thinking: ça ressemble à une méthode.